Projet de texte sur le réglement européen sur les emballages et leurs déchets (PPWR) : analyse d’Elipso

5 mai 2023

Texte structurant pour la filière de l'emballage plastique, cette PPWR est analysé, dans cet article, par Gaël Bouquet, délégué général d'Elipso. Il passe en revue et décrypte les points cruciaux de ce projet

Paris, le 3 mai 2023 : Ce qu’affirment avec force les pouvoirs publics, lorsqu’on évoque l’économie circulaire, est que l’« écologie doit constituer un levier de la réindustrialisation française ».

Le projet européen sur les emballages et les déchets d’emballages, établi par la Commission européenne le 30 novembre dernier, doit s’inscrire dans cette visée et présente l’opportunité, par une harmonisation des cadres juridiques nationaux, de remédier aux contradictions textuelles et de lever les spécificités locales.

Pourquoi ? Pour conférer de la visibilité et de la clarté aux industriels afin qu’ils puissent investir et innover avec des règles du jeu stables, chose si souvent demandée, mais si peu prise en considération ces dernières années, si l’on regarde les évolutions législatives et règlementaires intempestives. Cette situation conduit à des iniquités concurrentielles intra-sectorielles (entre acteurs économiques du même secteur) et inter-sectorielles (à l’égard des acteurs économiques des autres secteurs) et entre opérateurs exerçant leurs activités dans des Etats-membres différents. Le projet de règlement en cours de discussion est donc l’occasion de mettre un terme à cette situation.

Surtout, n’oublions pas, par un tropisme paneuropéen marqué, que l’impact des plastiques - auxquels les industriels tentent eux-mêmes de remédier par des actions éco-responsables - est une affaire mondiale. Il est très vertueux de se composer un visage d’exemplarité, une vitrine, mais veillons aussi à ne pas entraver nos entreprises européennes, y compris les plus petites (TPE et PME), par des dispositifs complexes, trop souvent disjoints de la réalité opérationnelle et industrielle.

Pollution plastique dans le monde

Quoi qu’il en soit, il faut saluer l’initiative ayant présidé à l’élaboration de cette proposition de règlement européen qui est l’occasion, par le rapprochement des législations nationales, de démontrer que nous sommes capables, en Europe, de faire de la valorisation des déchets une réelle ressource.

  1. L’élision de certaines conditions préalables

En premier lieu, il convient de souligner que l'étude d'impact sur laquelle s’adosse le projet comporte des lacunes.

  • Les conditions préalables pour les emballages sensibles au contact

L’analyse élude ainsi les conditions préalables à l’instauration de « quotas obligatoires » de contenu recyclé et n’évalue pas les risques y afférents. En particulier, en ce qui concerne les emballages plastiques sensibles au contact alimentaire (en dehors des emballages en PET), les conditions de « retour à l’alimentaire » des résines sont loin d’être remplies, en raison des exigences de sécurité élevées imposée aux emballages sensibles. Pour ces emballages (constitués de PET opaque, le PP, le PE, le PS et les plastiques complexes multicouches), les qualités de recyclage appropriées ne seront probablement disponibles à l'avenir que par le développement des procédés thermochimiques non matures.

  • La nécessaire disponibilité des matières plastiques recyclées

En outre, aucun état des lieux n’a été effectué sur la disponibilité des quantités de plastiques recyclés et les conditions économiques (prix et quantité disponible) qui permettraient de respecter les objectifs assignés. Imposer un objectif de recyclage aux matières sensibles au contact (alimentaire et cosmétique), pour lesquels aucune analyse sérieuse sur la maturité et les conditions du développement industriel n’a été effectuée, n’est pas soutenable, ni d’un point de vue juridique, ni d’un point de vue opérationnel, ni encore d’un point de vue économique.

  1. L’égalité de traitement entre matériaux

En deuxième lieu, le projet de règlement impose des obligations qui pèsent uniquement sur les emballages en plastique, privilégiant ainsi implicitement les emballages fabriqués à partir d'autres matériaux.

Au-delà des considérations liées à la neutralité technologique et à l’équité concurrentielle entre secteurs industriels, des exigences applicables aux seuls emballages en plastique incitera le marché à se tourner vers des solutions d’emballage faisant l'objet d’une pression règlementaire moindre, ne présentant au demeurant aucun avantage écologique et affectant même l’empreinte environnementale.

Il convient, dès lors, que le règlement réintroduise des objectifs cohérents et spécifiques sur la recyclabilité et le contenu recyclé pour tous les matériaux utilisés dans les emballages, afin d'éviter les perturbations du marché.

  1. Les enjeux de recyclabilité

En troisième lieu, les ambitions en matière d’éco-conception des emballages[1] rendent circonspect quant à leur soutenabilité, s’agissant notamment des styréniques et des produits complexes (constitués de plusieurs matières). Il est en effet peu probable de les atteindre, compte tenu des conditions actuelles de collecte à la source et de la configuration de nos centres de tri en France (sur le plan technologique et dsur le plan de l’agencement des technologies entre elles).

Cette situation ne s’impose pas avec la même acuité en Allemagne, par exemple, où les centres de tri sont beaucoup moins nombreux et beaucoup plus spécialisés (non fibreux) et où le niveau de présence des styréniques en centre de tri présentent un intérêt économique.

Les principaux enjeux du projet de règlement (dit « PPWR)

PPWR : analyse

  Source : ELIPSO

  1. L’ambition d’incorporation de matières recyclées

En quatrième lieu, les emballages sensibles au contact (les aliments pour animaux, les cosmétiques, les produits dangereux, les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux), qui représentent environ la moitié des emballages en plastique, sont soumis à des exigences de sécurité et d’innocuité très élevées[2].

Pour ces emballages, les technologies ne permettent pas, à ce stade, un « retour à l’alimentaire » ou « un retour au cosmétique » pour certaines résines et l’atteinte des qualités de recyclage appropriées (à l'exception du PET) ne sera possible à l'avenir que par le développement de procédés thermochimiques.

C’est pourquoi, il est indispensable de mener une politique économique de gestion de la rareté permettant la complémentarité des technologies mécaniques et chimiques. Mais à défaut de conclusions solidement étayées par la réalisation d’une analyse d’impact, il n’est pas soutenable de proposer des quotas obligatoires de contenus recyclés.

  1. La contextualisation du réemploi : « le réemploi ne se présume pas »

En cinquième lieu, de nombreuses analyses de cycle de vie attestent que les avantages écologiques du réemploi des emballages ne se présument pas. Selon le domaine d'application, les emballages en plastique très économiques et légers peuvent être plus avantageux sur le plan écologique que les solutions réemployables :

  • les systèmes de réemploi d’emballages légers, transportés sur de courtes distances avec un nombre élevé de rotations peuvent présenter des avantages environnementaux par rapport aux emballages à usage unique et à leur recyclage, et offrir des opportunités de croissance durable pour les emballages plastiques dans certains domaines, comme par exemple les emballages de transport ;
  • En revanche, tel n’est pas le cas si le nombre de cycles de réemploi de l’emballage est faible, et / ou si l'emballage vide est transporté sur une longue distance entre le point de production, le nettoyage et le remplissage, et / ou s’il doit être nettoyé via une utilisation excessive d’eau ou d’énergie à un coût élevé. Au surplus, les emballages sensibles au contact (alimentaire et cosmétique), en particulier pour les aliments frais, s’ajoutent des exigences de santé publique : il convient de s’assurer que ces emballages soient exempts de risques de contamination bactériologique et de toute infection et aptes au contact avec le produit qu’ils contiennent.

Aussi est-il nécessaire de réaliser des analyses de cycle de vie (ACV) mettant en comparaison usage unique et réemploi, par type de produit d’emballage sensible au contact.

Au demeurant il serait pertinent de réaliser une enquête préalable « d’acceptabilité sociale du réemploi » qui mesurerait la capacité d’un emballage réemployable à être effectivement réemployé, sans quoi, l’obligation de réemploi sera dépourvue de portée.

En conséquence, du point de vue de l’économie circulaire, le projet de règlement devrait se proposer d’examiner l’intérêt environnemental du réemploi, en le justifiant par des analyses de cycle de vie et ainsi déterminer les usages qui s’y prêtent et ceux qui ne sont pas soutenables sur les terrains écologique, économique, et de santé publique.

  1. L’approche absolutiste de l’usage unique

En sixième lieu, l’article 22 du projet de règlement prévoit une série d’interdiction de mise en marché d’emballages à usage unique, dont les catégories sont listées à l’annexe V.

Or, la fonctionnalité « utile » de certains emballages à usage unique, notamment ceux qui sont sensibles au contact est parfaitement ignorée alors que :

  • l’emballage plastique alimentaire, par nature sensible au contact, est soumis à des tests excessivement poussés, destinés à garantir une protection maximale des aliments et des consommateurs. Pour les produits frais, le conditionnement plastique des denrées sensibles, contribue à la préservation de la santé publique ;
  • en outre, la vente en vrac alimentaire ne peut pas être conçue de façon univoque, dès lors qu’un tel mode de distribution met en jeu des risques sanitaires, et affecte même l’empreinte environnementale lorsqu’il conduit au gaspillage alimentaire. Or, le gaspillage a un coût environnemental et économique qu’il convient de mesurer par un encadrement adapté de l’usage unique, seul susceptible d’y suppléer, à ce jour.

Il est donc fondamental que la règlementation en cours se fonde sur un « balance test » qui prenne en considération les impacts industriels et la préservation de l’environnement. Tout un modèle économique circulaire est à la recherche aujourd’hui de sa maturité : en dehors du PET, le recyclage des emballages composés d’autres polymères (PP, PE, PET opaque, PS) avec un retour à l’alimentaire n’est possible que via les technologies de recyclage chimiques.

Dans ces conditions, l’interdiction de mise en vente d’emballage à usage unique ne devrait pas selon nous être posée « par principe » mais « par exception », en fonction des fonctionnalités et des usages, sous réserve de justification.

Conclusion :

Le projet européen est donc une bonne nouvelle, puisqu’il s’inscrit dans une volonté de dresser un cadre unique qui redonne à l’industrie une visibilité et de l’intelligibilité.

Néanmoins, certains ajustements de pur bon sens requièrent d’être effectués en matière d’équité concurrentielle, d’approche nuancée et contextualisée du réemploi et de prise en considération de la fonctionnalité utile de l’emballage à usage dit « unique ».

Mais surtout, la disponibilité de ressources de matières premières secondaires fait défaut aujourd’hui, pour atteindre les taux de recyclage et les obligations d’incorporation de recyclés. En France, pour atteindre les objectifs de recyclage et d’incorporation de recyclé, il faudrait :

  • Augmenter significativement la collecte et au moins qu’elle puisse doubler : pour les déchets ménager, l’extension de la consigne de tri ne sera pas suffisante et pour les déchets industriels et commerciaux, il faudrait multiplier par 2,5 la collecte d’ici 2025 ;
  • Déployer le recyclage : aujourd’hui à peu près 350 000 tonnes d’emballages sont recyclés en France et 310 000 tonnes à l’export. Si on veut en recycler 1 570 000 tonnes, il faudrait de nouvelles capacités industrielles de tri et recyclage d’au moins 900.000 tonnes par an[3].

Laissons donc les technologies et les modèles d’affaires suffisamment de maturité et sollicitons davantage l’adhésion de ceux qui sont au cœur de la conception des emballages pour l’élaboration du futur cadre règlementaire : ce n’est que par l’élaboration d’un « cahier des charges commun » que nous arriverons à construire un modèle solide et efficace.

[1] Au 01/01/2030, les emballages devront être conformes à des critères de recyclabilité et être recyclables à 70 % a minima ; au 01/01/2035, les emballages devront être effectivement collectés, triés et recyclés à l’échelle industrielle.

[2] Règlement (UE) n° 2022/1616 concernant le contact alimentaire, qui ne sont pas encore pleinement effectives.

[3] La situation est plus soutenable pour les Allemands pour lesquels l’écart est moins important (600 000 t) (source : ELIPSO).

PPWR : décryptage

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